Il était un peu plus de dix-neuf heure quand je me décidais de me rendre au repas du nouvel an lunaire. C'était quelque chose que je ne pouvais pas manquer puisqu'il s'agissait de bien manger, de s'amuser en écoutant de la musique et de pouvoir faire connaissance avec de nouvelles têtes. Si j'avais bien tout compris à cet événement qui n'arrivait qu'une fois toutes les années, aujourd'hui, tout le monde était convié. J'espérais que ma mère viendrait, ce qui me ferait une belle occasion de passer du temps avec elle. Cela faisait un moment que nous ne nous étions pas vus et je devais bien avouer qu'elle me manquait. Les règles du Lotus Rouge étaient strictes, mais pas ce soir.
Pour cette nouvelle année qui s'annonçait, j'avais revêtu le seul kimono que je possédais dans ma garde-robe depuis des années. Il était recousu à quelques endroits, mais cela ne se voyait que si on regardait de trop près mon vêtement. J'en profitais pour me coiffer un peu les cheveux avant d'enfiler mes sandales et de me diriger dans la salle du buffet. Mon ventre criait famine tandis que mes yeux luisaient de bonne humeur. Je sentais déjà que cette soirée serait une réussite et j'espérais que la nouvelle année le serait tout autant.
J'arrivais finalement dans l'aile Shi pour me diriger à travers les couloirs, suivant les autres invités au repas. A l'intérieur de l'immense salle, je ne pus m'empêcher de pousser un léger "whaou" admiratif. C'était vraiment splendide et je crois bien que cela depuis l'an dernier que je n'avais pas vu autant de nourriture. Un sourire s'étendit sur mes lèvres tandis que je m'approchais du buffet pour me faufiler parmi plusieurs personnes et attraper une petite mise en bouche et un verre de jus de fruits.

Il était élégant Xiu Wen. Et avec sa tronche de gamin, il faisait presque, presque noble. Fallait pas déconner non plus, il était le premier à te faire tourner en bourrique. Cependant, tu acceptais ses excuses. « Elle a eu raison, ça te va très bien » réponds-tu. Les gens se bousculent, se rentrent dedans parfois même, mais après tout, ce n’était pas tous les jours qu’ils venaient au Lotus Rouge. Pour toi c’était du vu et déjà vu, mais tu devais bien accepter le fait qu’ils avaient fait des efforts dans la mise en scène. La question que Xiu Wen te posa te rappela aussi que tu avais faim, mais pour ne pas faire grosse bouffe, tu hochas la tête. « Allons chercher des boissons au buffet là-bas ». Tu pris gentiment la main de ton ami et te dirigeas vers le buffet. Tu vis Tomo, un des employés du Lotus et tu priais fortement pour qu’il ne fasse aucun commentaire sur ta place ici. En tant que dirigeante, tu logeais ici et forcément, les employés du Lotus te connaissaient plus ou moins. Soit parce que tu les avais déjà vu, soit par ton surnom. « Le Diamant de Corée ». Ironique non ? Cependant, tu lui souris gentiment avant de tendre un jus de fruit, enfin tu croyais, à Xiu Wen et de t’en prendre un. « C’esr très beau ici, tu ne crois pas ? ». Tu posas ton regard sur Xiu Wen, attendant sa réponse avec curiosité. Tu ne savais pas comment les habitants de Xian voyaient l’hôtel en général, et toi qui vivais ici depuis un moment, tu commençais à trouver cet endroit banal. Oui, tout à fait banal.

Installé près du buffet, mon jus de fruits dans les mains, je m'amusais à laisser mon regard se perdre sur les différentes têtes qui entraient. J'en connaissais la plupart, étant donné que j'adorais les mener jusqu'à leurs chambres (enfin, après tout, j'étais un des employés de l'accueil, donc c'était mon travail) et, aussi, parfois, m'infiltrer dans ces mêmes chambres pour découvrir les divers univers. Quoiqu'il en soit, j'en aperçus quelques-uns et quelques-unes, et cela me faisait rire de les connaître tandis que je n'étais qu'un employé passe-partout, invisible, de cet hôtel.
D'ailleurs, non loin de moi, le sourire d'une dirigeante se traça et je lui répondis poliment. Avait-elle retenu qui j'étais ? Cela m'étonnait, mais dans un sens, cela me flattait. Je bus une gorgée de ma boisson, saisissant par la suite une assiette en carton pour me servir de quelques nourritures et viser une table à côté. Je m'y dirigeai, me demandant si les belles dames viendraient elles aussi se joindre à la fête à la suite de leur splendide spectacle. Et puis bon, j'espérais que quelqu'un vienne s'asseoir près de moi ; je n'avais pas envie de passer la soirée tout seul.

A peine avais-je eu le temps de penser cela que déjà, je vis la dirigeante et son compagnon venir dans ma direction. Un moment, je me demandais si j'avais fait quelque chose qui l'aurait chiffonné, comme par exemple mal répondre à son sourire, mais ce n'était apparemment pas le cas. Le garçon m'interrogea pour savoir s'ils pouvaient s'installer sur la même table que moi. Un large sourire se traça sur mon visage tandis que j'acquiesçai avec vigueur d'un mouvement de la tête.

« Avec plaisir, je commençais à me sentir un peu seul », leur appris-je, ravi d'avoir non pas une, mais deux personnes avec lesquelles discuter.

Je ramassais mon assiette et mon verre, buvant une gorgée. Je finis par reprendre très vite la parole, n'ayant pas envie qu'un certain malaise prenne place parmi nous.

« Je m'appelle Jiang Tomo, je suis employé à l'accueil de l'hôtel, me présentai-je. Je suis enchanté et honoré de faire votre connaissance. »

Je me courbai légèrement devant eux, prouvant bien là toutes mes paroles. Oui, vraiment, j'étais très honoré de recevoir une dirigeante à ma table. Quant à ce garçon, je ne le connaissais pas encore, mais j'imaginais qu'il devait être tout aussi important pour accompagner le bras de cette dame.

Mon sang se glaça lorsque Xiu Wen proposa que l’on se joigne à Tomo. Non que je ne l’aimais pas. En fait, j’éprouvais plutôt de l’indifférence, il n’avait pas l’air méchant, mais je ne pouvais décemment pas le laisser compromettre mon identité. C’est pour cela qu’avec mon plus beau sourire, je me présente.

« Je suis Yoo Jin, j’habite à Xian et voici Xiu Wen, un ami à moi ! »

J’espérais qu’il avait compris le message : Ne pas piper un mot de ma véritable identité. Sinon, je m’arrangerais pour lui pourrir la vie, chose dont je ne souhaitais aucunement pour lui. Tout allait dépendre de son comportement.

Toujours le sourire aux lèvres, je poursuis la conversation pour empêcher Xiu Wen de poser des questions gênantes.

« Cela fait longtemps que vous travaillez ici ? J’imagine que ça doit être difficile, le Lotus a une réputation à tenir »

Je serre mon verre entre mes doigts, ne détachant aucunement mon regard de Tomo. Si je n’étais pas plus claire, alors je ne pouvais pas faire autrement. La musique change, et les belles dames changent de chorégraphie.

« En tout cas, l’hôtel est resplendissant. Bon boulot » ajoutai-je en regardant encore une fois le décor somptueux de la salle.

Je lance un regard à Xiu Wen qui se veut chaleureux, malgré mon coup de stress causé par son action embarrassante. Puis, je me rendis compte que se rendre au repas ici, posait un véritable problème. Les employés me connaissaient relativement tous, et chacun serait en mesure de faire voler ma couverture en éclat, adieu la paix.

Je ne comprenais pas tout ce qui était en train de se dérouler sous mes yeux. Cette jeune femme n'était-elle pas une résidente de l'hôtel ? Je savais même qu'elle était l'une des plus importantes figures car elle était une dirigeante. Je voulus ouvrir la bouche afin de déclarer quelque chose, mais je la refermais aussitôt puisque Yoo Jin ne me permit pas de dire quoi que ce soit. Je portai donc plutôt mon verre à mes lèvres pour en boire une gorgée.

« Je... je suis au Lotus Rouge depuis plus de neuf ans, dis-je fièrement. Avant, c'était ma mère qui y travaillait. On peut dire que j'ai repris son flambeau. »

J'adressais un large sourire à mes interlocuteurs malgré le regard insistant de la dirigeante. Je me dandinais un peu sur ma chaise, mal à l'aise de cette conversation. Je n'avais pas envie de m'embarquer dans n'importe quoi. J'avais suffisamment de soucis avec Li Wei pour en avoir aussi avec cette femme. Néanmoins, j'étais intrigué de savoir pour quelle raison elle se faisait passer pour quelqu'un d'autre au bras de cet homme, Xiu Wen. Aussitôt des pensées vinrent me chatouiller l'esprit... tiendrais-je une intéressante rumeur ?

« Merci beaucoup, repris-je. Nous faisons tous les jours de notre mieux pour vous apporter, euh à vous les invités, le meilleur ! L'hôtel est le plus bel héritage de notre ville. »

J'essayais de meubler, de me rattraper. Je frictionnais avec nervosité ma chevelure avant de terminer ce qui se trouvait dans mon assiette. J'espérais que je n'avais rien fait de mal...