J'étais vraiment surexcité de savoir que le nouvel an chinois n'était pas dans très longtemps. A cette occasion, je souhaitais mettre la main à la pâte comme à peu près tout le monde. Et puis, surtout, j'espérais voir le feu d'artifice ! Quoi qu'il en soit, afin de participer, j'ai choisi d'installer des décorations et plus particulièrement des lanternes aux portes de tous les résidents du Lotus Rouge. Cela permettrait une merveilleuse touche de couleur lumineuse qui ravirait sans le moindre doute tout le monde.
Pour cela, d'ailleurs, il y avait la plus jolie des belles dames qui m'accompagnerait pour accomplir la tache. Arrangeant encore un peu la tenue d'accueil que je portais tous les jours, j'attendais de l'apercevoir dans le hall pour lui adresser un signe de la main ainsi qu'un large sourire. Xue était, pour moi, la plus charmante de toutes les belles dames qui étaient dans l'hôtel.

« Xue ! fis-je en lui adressant des signes pour qu'elle vienne vers moi. Comment tu vas ? Les décorations nous attendent. »

En effet, un carton plein à craquer reposait non loin d'où je me tenais, prêt à être déballé et utilisé. Je nous voyais d'ores et déjà accrocher tous ces lampions sur les portes et découvrir les yeux émerveillés des différents locataires. Qui saurait demeurer de marbre face à cela ? Cela ne serait pas moi, en tout cas ; et probablement pas Xue puisqu'elle avait accepté de mener à bien cette petite mission également.

Chaque année elle était un peu plus excitée que l'année précédente à l'approche du nouvel an, peinant toujours à cacher sa joie. On aurait pu la prendre pour une de ces princesses qui font pousser des fleurs sur leur chemin juste parce qu'elles existent tellement leur joie est intacte – ce qui était décemment le cas. Quoiqu'il en soit, Xue n'était certainement pas une princesse mais elle était largement bien plus pétillante que d'habitude lors de cette période. Elle mettait de côté sa mauvaise humeur, du moins, encore plus que d'habitude, elle était parfaite aux yeux des clients et il ne fallait pas l'oublier – mais aux yeux du reste du monde c'était une autre histoire. Cette année elle s'était portée volontaire pour le shota préparatifs, poussée par un certain ennui, elle n'avait pas grand chose d'autre à faire, mais surtout à sa bonne humeur du moment. Pendant cette période elle n'éprouvait le désir bien dissimulé de tuer ou frapper les gens qui l'énervaient – ce qui voulait dire à peu près tout la population, ou juste les trois quarts, ou bien même faire des choses plus extrêmes qui nécessitent une quelconque violence, il fallait bien le mettre au profit de l'hôtel non ? Ironiquement elle s'était proposée pour accrocher des lanternes devant les portes des chambres. Elle n'avait jamais été très grande alors elle comptait sur n'importe qui de plus d'1m70 pour l'aider alors imaginez son désespoir quand elle apprit que son compagnon d'infortune serait Tomo. Elle l'adorait, honnêtement, c'était l'une de ses personnes préférées, l'une des personnes qu'elle appréciait le plus et une simple personne avec qui elle n'était pas une Belle Dame mais simplement une jeune fille. Mais voilà, Tomo il était pas très grand. Ceci dit, même devoir grimper sur des murs pour accrocher ces lanternes n'entacherai pas sa bonne humeur : pour le moment, Xue était heureuse. C'était pas très dur à deviner d'ailleurs, vu le sourire niais qu'elle affichait et sa façon de marcher comme une enfant de 12 ans à qui on venait d'offrir un truc.

« Oh, Tomo ! » elle dit simplement, le voyant faire de grands signes. Elle hésita quelques secondes à lui dire que ce n'était pas parce qu'il était petit qu'elle ne le voyait pas mais se ravisa rapidement, elle n'était pas en très bonne position pour faire des blagues sur les personnes de petite taille. Elle jeta brièvement un œil au carton plein de lanternes et l'ouvrir rapidement avant d'en prendre deux – gracieusement bien sûr, tout ce qu'elle faisait était gracieux et délicat, ses gestes étaient toujours beaux et contrôlés, traduisant cette douceur qui lui avait toujours été propre. Elle était belle Xue, peu importe ce qu'elle faisait. Du moins, dans l'hôtel. Elle tendit une lanterne à son ami avec un joli sourire, pensant déjà aux situations compliquées dans lesquelles ils allaient se retrouver au vu de leurs tailles respectives. Elle n'en doutait vraiment pas, ça allait être amusant. Et ça faisait bien longtemps qu'elle ne s'était pas amusée comme il se doit.

Je la vis arriver jusqu'à moi et je sus que ce n'était pas pour rien que j'avais eu un petit coup de cœur envers cette demoiselle dès que je l'avais aperçu. Elle était très jolie, très féminine et c'était quelque chose que j'appréciais tout particulièrement envers les belles dames. Je crois que, dans une vie antérieure, j'avais du être une femme. C'était bizarre, dit comme cela, mais j'étais souvent touché par la beauté des personnes, des choses, sans pour autant vouloir y ressembler. Ma sensibilité attirait comme pouvait bien repousser des fois, mais je ne m'en déferais probablement jamais. De quelle manière m'en départir, de toute façon ?
Alors Xue débarqua, tout près de moi et semblait encore plus radieuse que les autres jours. J'en fus aussi heureux qu'elle, déjà amusé par les aventures que nous allions vivre pour accrocher toutes ces nombreuses lanternes. Par où commencer, déjà ? Je la suivis sagement pour fouiller dans le carton et m'emparer de deux lanternes à mon tour. Leur couleur me plut tout de suite et je ne pensais pas encore à la difficulté que nous risquions de rencontrer du à nos deux petites tailles. Quelle idée de faire des portes aussi hautes pour des êtres aussi petits ? La grandeur, la splendeur... Toujours dans la démesure des choses.

« Tu es prête ? On y va ? »

Je venais de pendre mes lanternes sur mes bras, esquissant un large sourire à ma compagne pour cette après-midi qui s'annonçait plutôt longue. Il avait énormément de décorations pour les incalculables nombre de chambres. Mais le travail ne me faisait pas peur étant donné que j'avais l'habitude de traîner dans les couloirs pour accompagner les clients dans leur chez-soi provisoire.
Je pivotai donc sur mes talons pour viser un premier couloir qui s'étendait à quelques mètres devant nous. Enthousiaste, je me mis à chantonner une petite chanson chinoise pour nous donner du courage.

« J'imagine déjà le résultat magique que l'on aura ! » ajoutai-je.

Il était drôle Tomo, c'était mignon de l'entendre chantonner comme ça. C'était comme apporter un brin de pureté dans un endroit démesurément grand - qui semblait cacher tous les vices du monde. Elle regarda un peu autour d'elle, se demanda par où ils pourraient bien commencer. Ses yeux se posaient sur ces immenses portes qui renfermaient tout le luxe possible, toute cette extravagance propre à cet hôtel si ce n'était la ville entière. Des portes qu'elle connaissait déjà, parfois celles de chambres dans lesquelles elle était déjà entrée. Des portes qu'elle voyait tous les jours depuis le début de sa vie et qu'elle verrait sûrement jusqu'à la fin. Elle ne pouvait pas imaginer passer sa vie ailleurs qu'à Xian à vrai dire. Sans dire un mot et ce sourire niais toujours gravé sur ses lèvres elle se mit à suivre Tomo, décidant de lui faire confiance - faut dire qu'elle pouvait pas vraiment se fier à son sens de l'orientation, ça faisait 24 ans qu'elle vivait ici et elle arrivait toujours à se perdre, c'en était presque triste et à se demander si c'était pas un don divin d'avoir aussi peu de repères.

« Tu as l'air d'aller bien aujourd'hui » Une voix légère, comme si elle était ailleurs pendant qu'elle déblatérait des choses évidentes en lorgnant sur le plafond, un peu perdue dans ses pensées, s'attardant sur les détails des portes en se demandant comment elle pourrait bien accrocher des lanternes au dessus. Tomo était toujours de bonne humeur à vrai dire, mais Xue n'aimait pas vraiment le silence alors elle avait décidé de lancer une conversation. C'était comme ça, quand elle décidait quelque chose, cette chose devait se passer. C'en était frustrant, sinon. Elle s'arrêta devant une porte, c'était la dernière de ce grand couloir, ils devaient commencer par là. Scrutant soigneusement la hauteur, c'était pas très difficile d'arriver à une conclusion : ils pourraient jamais poser cette lanterne à moins de prendre 20 bons centimètres. Alors mécaniquement elle se tourna vers Tomo, son expression vide habituelle reprenant le dessus sur son sourire et sa voix dans laquelle sonnait une pointe de mesquinerie. « Dis, Tomo, tu as le dos solide ? »

« Je vais toujours bien ! » répondis-je en me retournant vers mon interlocutrice afin de lui offrir l'un de mes plus beaux sourires.

Et c'était bien vrai. J'adorais cet hôtel, j'adorais m'y promener à l'intérieur. Chaque fois que je le faisais, j'avais comme l'impression de redécouvrir cet endroit. Il était rempli de choses diverses et variées et malgré la luxure qui m'environnait, je n'étais pas dépaysé pour autant. Après tout, ma mère avait travaillé de longues années durant au Lotus Rouge et ce fut tout naturellement que j'avais voulu en faire autant. Il m'avait toujours attiré, je dirais même presque... inspiré. Ses gravures étaient merveilleuses, sans parler des nombreuses décorations qui ornaient les murs et le plafond. Pour moi, c'était un monde différent dans lequel je me trouvais cependant bien. Alors, par conséquent, j'allais bien - très bien.
Nous fîmes plusieurs mètres, nos lanternes suspendus dans nos mains, sur nos bras, avant d'arriver au bout d'un couloir et de se retrouver là, bêtement plantés devant une première porte de chambre. La remarque de Xue me laissa tout aussi pantois qu'elle, les yeux à moitié ronds et perdus. A mon tour, je fixai l'immense porte et je crus bien que c'était la première fois que j'analysais autant une porte. D'ordinaire, je me contentais de la pousser afin de faire découvrir une magnifique chambre au client qui me le réclamait.

« Euh... fis-je. On peut peut-être s'arranger pour que tu grimpes sur mon dos pour une porte ou deux, mais je ne crois pas que ça soit une bonne idée de toutes les faire comme ça ! »

Je ris légèrement en passant une main dans mes cheveux blonds, bien ennuyé. Nous qui étions si enthousiastes, cela commençait par un petit ennui de grande taille - sans jouer sur les mots. Néanmoins, je ne comptais pas me laisser abattre dès le début et fis signe à ma compagne de venir s'installer sur mon dos après m'être baissé pour qu'elle puisse y monter. Non, clairement, je ne me voyais pas faire toutes les chambres dans cette posture loin d'être convenable pour une dame ! A la limite, mon dos pouvait bien souffrir, mais pas la réputation d'une belle dame. Je croisais donc les doigts pour que l'escabeau que j'utilisais parfois pour faire le ménage en haut des étagères soit toujours mis à sa bonne place dans la pièce de rangement...