Un nid d’amour, cocon protecteur de l’extérieur. Enfant choyé et chéri, loin de tous les troubles existants. Shaolan a reçu tous les privilèges, toutes les attentions. Entouré de richesses indécentes. La quiétude, quand les gens au-dehors ont du mal à boucler leur fin de mois, ne savent que faire pour se nourrir. Le besoin qu’il n’a jamais connu. Des parents aimants, quoi qu’on en dise. Peut-être ne montraient-ils par leur sentiment directement, jamais de mots d’amour murmurés à son oreille d’enfant. Il n’en a que peu besoin. Il le ressent, dans leurs regards, leurs sourires. Cet abandon qu’ont toujours eu ces parents devant le moindre de ses caprices. Ses nombreux caprices qui n’en finissent jamais. Comme lui. Kun. Il l’a voulu en ami, dès qu’il l’a vu la première fois, pas plus haut que trois pommes. Lui et personne d’autre. Alors la famille Shen se mit à travailler à leur compte, juste pour qu’il profite de cette présence tant voulu. Il ne se souvient pas d’un jour, d’une minute sans Kun a ses côtés. Ils partagent ses souvenirs communs, d’enfants et d’adolescent, leur vie entière intimement liés. Shaolan est comme un poison, non mortel mais incurable. Celui dont on ne peut jamais se défaire, alors il faut s’y accoutumer, tenter de trouver ses repères, à défaut d’autre solution.

Les années n’ont rien changé. Kun toujours à ses côtés, grand, fort et imperturbable. Ami. Protecteur. Confident de ses premières histoires d’amour, puériles. Et finalement objet de ses émois. Il n’a jamais su comment c’est arrivé, comment ses sentiments ont évolué jusqu’à ce que Kun devienne vital. Plus qu’en ami, Shaolan l’a alors voulu en amant, quelqu’un avec qui il finira ses jours. Et Kun s’est soumis à nouveau. Il sourit quand il pense à leur maladresse, leurs doutes et hésitations. Ce secret, plus grand encore qui les lie plus intimement, et le poids de cette alliance au doigt. Symbolique.

Maitre de tous les arts, Shaolan est une sorte de génie. Doué en dessin, en peinture et jouant de plusieurs instruments. Il n’aime pourtant pas être traité de tel, avoir l’impression que tous ses efforts sont mis à zéro par les gens sous prétexte d’un talent inné. Il sait divertir, garder les esprits occupés. Il n’était pas totalement prêt quand son père est décédé il y’a un an. Il faut suivre le même chemin que son géniteur, et il ne s’en plaint pas. Il aime les fêtes, les grands rassemblements. Les étoiles dans les yeux des gens. Il cache aussi le chagrin causé par cette perte. Plus qu’il ne le pensait, son père avait été une figure importante dans sa vie.

Peut-être est-il trop occupé par son nouveau rôle de dirigeant. Peut-être est-ce juste des idées conçus par son esprit triste, à présent effrayé par l’abandon. Mais il la sent, de tout son être, cette distance que prend parfois Kun à son égard. Son air distrait, le fait qu’il soit de moins en moins libre alors que sa vie entière lui était dédiée. Ces parfums qui ne sont pas les leurs, qu’il sent les peu de fois où il visite sa chambre. C’est clair et pourtant. Déni. Shaolan ferme les yeux.