I meet you again

Si j'étais en ville ce jour-là, c'était parce que j'avais demandé une permission. Je n'avais pas vu ma mère depuis un petit moment et je devais bien avouer qu'elle m'avait manqué. J'avais demandé la permission à l'hôtel ainsi les gardiens avaient bien voulu me laisser sortir en début de matinée. A la vérité, n'étant pas très riche, j'avais économisé depuis un petit moment pour pouvoir me permettre ce léger excès. Cela avait donc été le sourire jusqu'aux oreilles que j'avais abandonné l'hôtel le temps d'un jour, sachant toutefois que j'y rentrerais pour dormir.
Je m'étais rendu chez ma mère, ne lui en ayant pas parlé auparavant pour qu'elle ait une jolie surprise - ce qui ne fut pas manqué ! Nous passâmes un long moment ensemble, à regarder de vieilles photos dans un album avant d'aller au marché pour prendre de bons ingrédients pour le repas. Quand je parvenais à me libérer, c'était toujours un jour de fête pour ma mère, cette femme qui avait travaillé toute sa vie à la place que j'occupais désormais au Lotus Rouge. Nous préparâmes le repas tous les deux, cuisinant avec plaisir pour déguster avec tout autant de bonheur. D'ailleurs, je ne manquais pas de lui raconter les derniers potins qui traversaient les couloirs de l'établissement, la sachant avide de toutes ces histoires qui avaient bercé son travail.
L'après-midi, nous avons simplement passé l'après-midi à la maison, faisant une partie d'un jeu que j'adorais étant petit. Je profitais le plus possible de ma mère, appréciant tout particulièrement ces instants sans prise de tête. Nous ne discutâmes qu'à peine de mon père décédé, n'appréciant ni elle ni moi d'en parler. J'évitais aussi de lui apprendre que j'avais eu un léger problème avec quelqu'un à l'hôtel... Je n'en n'étais pas fier alors je préférais ne rien dire dans l'immédiat. J'étais capable de me débrouiller tout seul pour mes soucis, et puis, ce n'étais pas si grave que ça, n'est-ce pas ?

C'était ce à quoi je pensais en rentrant vers le Lotus Rouge. Est-ce que cette femme continuerait de mettre ses menaces à exécution ? Je n'avais pas envie de perdre mon travail à cause de ma curiosité... et en même temps, je pouvais comprendre qu'elle n'avait pas envie de trouver quelqu'un qui fouille dans ses affaires. Je soupirai, passai une main dans mes cheveux avant de jeter un œil sur ma montre. Il me restait au moins une heure devant moi avant de devoir rentrer. Je visai un banc non loin de moi et choisis de m'y installer quelques minutes, les jambes remontées contre mon torse, les entourant de mes bras pour déposer mon menton sur mes genoux.
De nombreuses questions fourmillaient dans mon esprit et, je devais bien l'avouer, je m'en voulais un peu de conserver ce problème pour moi. Même si ma mère n'irait pas voir directement la demoiselle en question, au moins elle aurait su pour la situation délicate dans laquelle je me trouvais. J'avais payé de ma poche ma sortie de l'hôtel pour me changer les idées et finalement je n'avais pas eu la force de détruire ce doux moment passé avec la femme de ma vie.

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Je relevai la tête en entendant une voix tout près de moi. Je fronçai les sourcils, me demandant ce que voulait cet homme dans un premier temps avant de m'apercevoir que je connaissais cette personne. Je secouai doucement le visage à sa question. Est-ce que ça allait vraiment ? Est-ce que ça pouvait aller en tomber sur le frère de la jeune femme qui le tourmentait tant depuis qu'il s'était infiltré dans ses affaires dans sa chambre à l'hôtel ? Je soupirai légèrement, reposant mes deux pieds par terre pour me frotter le nez avant de prendre la parole.

« Je suis venu rendre visite à ma mère, fis-je. J'avais besoin de sortir un peu de l'hôtel, même si le laissé passer n'est pas franchement donné... Et toi, Lei, qu'est-ce que tu fais dans le coin ? »

Lui et moi nous ne nous connaissions pas tant que cela. A la vérité, c'était Li Wei qui m'avait envoyé, quelques fois, vers lui afin de "faire ses courses". Elle me donnait des mots pour que j'aille en faire part à son frère. Oui, elle me prenait clairement pour un pigeon voyageur... Malheureusement, sous peine de perdre mon travail, j'étais obligé de céder à la moindre de ses demandes.
Quoiqu'il en soit, bien que Lei ne fut qu'une vague connaissance, je n'avais pas pu m'empêcher de le trouver très charmant. Autant dire que le fait qu'il soit là, à mes côtés, à se préoccuper de mon état de santé, me faisait assez plaisir. Je n'avais jamais imaginé qu'il fut ce genre d'homme.
D'un air timide, je me tournais vers lui pour lui adresser un sourire. J'avais envie de lui parler, vraiment, de lui dévoiler tout ce que j'avais sur le cœur... Mais comment aurais-je pu savoir qu'il n'irait pas tout répéter à sa sœur ? Cela m'ennuyait bien alors mon sourire s'effaça rapidement sur mon visage. Je fixais désormais mes mains que je triturais, nerveux, sur mes genoux.

« Je n'ai pas très envie de rentrer tout de suite, lâchai-je timidement. Et puis, même si j'ai passé une bonne journée, je n'arrive pas à me dire que j'ai menti à ma mère... à propos de ta sœur », ajoutai-je afin qu'il comprenne ce qui m'embêtait.

Voilà, c'était sorti tout seul.

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Je n'étais pas idiot et j'avais bien compris que ce que faisait Lei dans les environs était loin d'être pour moi. J'étais plus ou moins au courant des magouilles qu'il faisait, que sa sœur chaperonnait aussi parfois et ces affaires, je n'avais pas envie de m'y mouiller. Alors je ne disais jamais rien, de toute façon, je savais aussi que je n'avais pas mon mot à dire. J'étais coincé, pris au piège, et cela me rendait plus fatigué que jamais. J'avais tenté un sourire vers lui, mais Lei n'était pas du genre à y répondre ; je le savais bien aussi.
J'abandonnais un soupire, passant une main dans ma chevelure en descendant mes pieds du banc, croisant alors mes jambes en fixant un point devant moi. Que pouvais-je répondre ? J'acquiesçais légèrement, n'osant pas le regarder ou lui dire quoi que ce soit. Si sa sœur avait répondu ainsi et que cela aurait pu être pire, je devais m'estimer heureux et garder cette configuration le plus longtemps possible. Tant que j'avais pas de trop gros problèmes à régler...

« Tu crois que je peux en parler à ma mère la prochaine fois que j'arrive à me libérer pour lui rendre visite ? » demandai-je à mon interlocuteur qui fumait une cigarette.

Je n'avais rien caché à ma mère. Elle était ma meilleure confidente et je savais très bien qu'elle ne réagissait pas n'importe quoi. C'était une personne réfléchie qui prenait le temps de poser le pour et le contre avant de se lancer. J'avais un peu hérité de ce trait de son caractère, bien que je ne parvenais pas toujours à m'en tirer tout seul.

« J'aimerais bien rester un peu en ville, mais j'ai du demander une permission et elle se termine dans moins d'une heure maintenant », appris-je à Lei.

Et puis bon, rester en ville était une chose, mais je ne pouvais pas non plus me permettre de dépenser de l'argent que je ne possédais pas. Un nouveau soupir franchit la barrière de mes lèvres tandis que je me relevais pour m'étirer un petit peu. Le soir commençait à arriver à grands pas et n'étant pas très friand du noir, je ne comptais pas m'éterniser dans cet endroit tout seul. Je tournais le visage pour sourire de nouveau à mon vis-à-vis, prêt à lui faire une demande qui me brûlait les lèvres.

« Tu veux bien me raccompagner jusqu'à l'hôtel ? Si tu n'es pas trop occupé, bien sûr...»

Pouvait-il me le refuser ? J'espérais bien que non !
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Finalement, Lei et moi nous ne nous connaissions pas plus que cela. C'était surtout au travers des "commandes", ou surtout des exigences, de sa sœur que j'avais eu l'occasion de le rencontrer. Je n'étais pas idiot et je savais très bien qu'il était mêlé à des affaires loin d'être nettes - et encore moins de m'intéresser - mais je l'appréciais à sa juste valeur (ou du moins celle qu'il voulait bien me montrer). Je venais de lui faire une certaine confidence sans même m'en rendre compte, sentant mes joues devenir un peu plus rosées que d'ordinaire. J'étais dans une situation relativement compliquée et personne à qui en parler... Ou peut-être bien que si, finalement ?
J'avais l'impression qu'ils étaient différents l'un de l'autre, Lei et Li Wei. Malgré qu'ils s'entendaient, j'avais presque le sentiment de pouvoir me confier à Lei sans qu'il aille le répéter. Peut-être me trompais-je ; peut-être était-ce aussi parce qu'il n'en avait bien rien à faire de mes histoires ; mais cela me permettait de me sentir un minimum en sécurité quand j'avais envie de me plaindre un peu. J'acquiesçais donc légèrement à ses propos, baissant la tête au sol, confus, mes mains enfoncées dans les poches de mon pantalon. Je n'avais pas d'autres solutions immédiates que celle de me taire.
Tandis que nous nous levions, je lui demandais s'il voulait bien me raccompagner jusqu'à l'hôtel et je fus heureux d'entendre une réponse positive. Je relevais le visage, lui offrant un sourire avant de le voir écraser sa cigarette et enclencher la marche. Et bien, pour le coup, il montrait un peu d'entrain - qui ne passa pas inaperçu à mes yeux. Ravi, j'aurais presque pu le rejoindre en m'accrochant  à son bras, mais je me ravisais assez rapidement, n'osant pas.

« Jiang, Jiang Tomo... » répondis-je doucement.

Je ne savais pas pour quelle raison j'étais déçu qu'il ne se rappelle pas de mon nom. D'accord, nous ne nous croisions pas tout le temps, mais j'étais finalement un peu le messager de sa sœur. Étais-je encore une fois placé dans la catégorie des employés invisibles ? A l'hôtel, cela ne me dérangeait pas, mais en face de Lei, j'étais pris d'un tout autre sentiment.
Tandis que je pensais à cela, dans une ruelle parallèle, un homme loin d'être sobre en quelque point que ce soit, commençait à appeler mon interlocuteur. Je le fixais donc, un peu en retrait, n'ayant pas envie de m'attirer de nouveaux ennuis. Néanmoins, Lei semblait ne pas vouloir se stopper, accélérant un peu la marche. Je tâchais d'en faire autant mais le drogué ne se gêna pas pour nous rejoindre et essayer de me retenir en arrière, s'accrochant à ma veste et vomissant des mots que je ne comprenais pas.

« Lâchez-moi ! fis-je en tentant de le repousser. Je n'ai rien pour vous ! Je ne suis pas comme vous ! »

La panique m'envahissait alors que son haleine fétide m'atteignait et que ses mains essayaient de se faufiler partout sur moi. Je compris très vite qu'il devait sans doute imaginer que je cachais des sachets de drogue dans mes vêtements et qu'il se moquait bien de mes plaintes. Cependant, je continuais de me débattre et de lui crier de me lâcher. Mon cœur battait à tout allure dans ma poitrine et cette altercation me sembla durer une éternité tant je ne parvenais pas à m'en sortir tout seul.

« Lei, LEI ! » criais-je.

C'était peut-être pathétique, mais la seule chose que j'avais envie de faire était de pleurer comme un enfant de trois ans.
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Ce n'était pas la première fois que ce genre d'événement m'arrivait. Quand j'avais tout juste débarqué à l'hôtel pour débuter mon service, j'avais eu mon lot de mauvaises personnes pour m'embêter. Elles ne m'avaient peut-être pas fouiller sur tout le corps, mais j'avais ressentis exactement le même désagrément qu'en cet instant. Mon coeur tambourinait comme s'il n'allait jamais se calmer et je ne parvenais pas à repousser cet homme désagréable qui empestait la drogue - et sûrement l'alcool. Je ne savais pas quoi faire sinon tenter de lutter encore et de crier le nom du jeune homme qui avait bien voulu me raccompagner jusqu'au Lotus Rouge. Quelques secondes, j'imaginais ce drogué s'être jeté sur moi alors que je rentrais seul...
Heureusement, je fus enfin libéré de cette étreinte malsaine. Je ne pouvais pas dire que je ne reconnaissais pas Lei puisque, dans le fond, nous ne nous connaissions pas tant que ça ; mais je le voyais pour la première fois vraiment menaçant et sûr des propos durs qu'il avançait. J'étais assez satisfait qu'il ne s'adresse pas ainsi à moi pour ne pas me préoccuper plus que cela de ses affaires. En moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, mon camarade de marche s'était débarrassé de l'opportuniste, m'entraînant à sa suite pour nous éloigner de la ruelle bien trop glauque à mon goût. Je savais qu'il existait des personnes comme cela ici, dans cette ville, mais je n'en avais jamais côtoyé une d'aussi près... Autant que ce n'était pas une expérience dont je serais friand si, à l'avenir, cela devait se reproduire.
Néanmoins sous le choc ce qui venait de se dérouler, je me laissais traîner par Lei qui nous fit avancer quelques minutes avant de ralentir son allure et de me demander comment j'allais. Je levais un regard perdu sur son visage aux yeux fuyants, puis sur sa main accrochée à mon bras et de nouveau sur son visage dont l'expression changea pour m'offrir un sourire. Je crois que c'est la première fois où tu m'as souri ainsi. Et mon cœur s'emballa, mes yeux s'embrumèrent et je me contentais de ne plus réfléchir à rien quand je tombais entre ses bras, ma tête posée contre son épaule.
A ce moment, cela ne m'importait que peu de m'être demandé si mon interlocuteur se souvenait de moi ou pas, étant donné qu'il m'avait requestionné pour mon prénom. La seule chose qui m'importait réellement était de trouver une certaine forme de tendresse pour permettre aux battements furieux de ma poitrine de se calmer. Et, en tout sincérité, Lei semblait étrangement bien réussir à cette tache.

« Merci de m'avoir sauvé », murmurais-je avant de me reculer de son corps, conservant le doux mélange de son parfum et de la cigarette imprégnée sur ses vêtements.

Je ne voulais pas abuser de sa gentillesse, me souvenant bien de comment il pouvait être quand il était en colère. Il m'avait certes extirpé des griffes de cette abomination qui arpentait les rues, mais il était aussi une personne influente et sûrement très crainte par beaucoup de monde.

« On... on peut rentrer à l'hôtel maintenant, repris-je timidement. Enfin, si tu veux toujours bien m'accompagner ! Je comprendrais si tu as d'autres choses à faire ! Je ne suis pas très doué pour ne pas me fourrer dans de drôles d'histoires... »

Je me mordis légèrement la lèvre inférieure ; il était tant que je me taise.
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